Le procureur, acteur clé dans la lutte contre la maltraitance des aînés
Directeur des poursuites criminelles et pénales – 19 novembre 2024
Dans notre plus récent article, nous avons appris que les procureurs au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) n’exercent pas tous les mêmes fonctions. Certains autorisent des poursuites, d’autres font de la poursuite verticale, etc. Pour certains types d’infractions, des procureurs peuvent même jouer un rôle de soutien-conseil. C’est le cas notamment dans les situations de maltraitance envers les personnes aînées, qui sont souvent complexes et qui prennent plusieurs formes.
Magalie Masson, Frédérique Bouvier, procureure au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) au sein du Bureau des mandats organisationnels (BMO) et coordonnatrice provinciale en matière de maltraitance envers les personnes aînées et autres personnes majeures en situation de vulnérabilité et Marie-Josée Hamelin Gagnon, procureure du DPCP à Chicoutimi et intervenante désignée pour les processus d’intervention concertés au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
La maltraitance peut être psychologique, physique, sexuelle, matérielle, financière ou organisationnelle. Advenant le cas où la personne maltraitante est également la proche aidante de l’aîné, les conséquences d’un interdit de communication peuvent être importantes. Quelle est alors la meilleure façon de procéder pour faire cesser la maltraitance tout en s’assurant que l’aîné continue de recevoir l’aide dont il a besoin? Consulter les intervenants concernés par les processus d’intervention concertés (PIC), dont les procureurs, est l’avenue à privilégier.
Les PIC à la rescousse
Les PIC ont été officiellement déployés au Québec en 2018 dans le but de trouver des solutions adaptées au cas de maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure vulnérable. Ce sont des comités auxquels plusieurs intervenants peuvent prendre part, comme des employés :
- du ministère de la Santé et des Services sociaux;
- du ministère de la Justice;
- du DPCP;
- de l’Autorité des marchés financiers;
- du Curateur public du Québec;
- de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse;
- des services de police.
Un PIC est déclenché lorsque l’une de ces institutions estime qu’une personne aînée, ou une personne majeure en situation de vulnérabilité, est victime de maltraitance et que son organisation ne peut pas résoudre la situation à elle seule. Tous les intervenants susceptibles d’être concernés sont invités à une première rencontre, dans le but de trouver une solution pour enrayer la situation de maltraitance. L’objectif est de trouver une stratégie d’intervention efficace et adaptée, en mettant en commun les expertises des différents intervenants.
Un PIC pourrait par exemple être déclenché par une travailleuse sociale qui constate qu’un individu est brusque avec une dame âgée, dont il est le proche aidant à la maison, qu’il utilise son argent à des fins personnelles et qu’il donne une quantité de médicaments plus grande que la posologie recommandée pour la détendre. Dans ce cas-ci, plusieurs types de maltraitance se côtoient, ce qui complexifie la situation. De plus, advenant l’arrestation de l’individu, il faudra trouver de nouveaux services pour la dame.
Pour être déclenché, un PIC doit obligatoirement répondre aux trois critères suivants :
- L’intervenant a des motifs raisonnables de croire qu’une personne est victime de maltraitance au sens de la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité;
- La situation de maltraitance nécessite la concertation entre les intervenants pour pouvoir y mettre fin efficacement;
- L’intervenant a des motifs raisonnables de croire que la situation de maltraitance pourrait constituer une infraction criminelle ou pénale.
Le consentement de la personne victime à l’échange de renseignements personnels et confidentiels est exigé pour déclencher un PIC, sauf exception.
Le choix d’en déclencher un ou non n’est pas systématique et revient aux intervenants concernés. Une personne qui estime que sa mère âgée est victime d’une maltraitance ne peut pas elle-même déclencher un PIC ou demander qu’un PIC soit déclenché, par exemple. Dans une telle situation, cette personne devrait plutôt s’adresser aux policiers qui pourront en déclencher un s’ils jugent que la situation le requiert et que les critères sont satisfaits.
Et le rôle du procureur dans tout ça ?
Lorsqu’une situation de maltraitance fait l’objet d’un PIC, le procureur peut analyser si la situation pourrait mener à des accusations ou non, prodiguer des conseils afin de minimiser les répercussions des enquêtes et des procédures judiciaires sur la personne victime et obtenir des ordonnances en vue de protéger cette dernière.
Le DPCP compte plus d’une soixantaine de procureurs qui agissent dans les PIC à travers la province. Mᵉ Marie-Josée Hamelin Gagnon en fait partie. Elle est procureure dans le district judiciaire de Chicoutimi et a reçu une formation sur la maltraitance afin de participer à différents PIC au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
« Ce serait impensable de ne plus avoir de PIC! C’est un outil qui permet d’accélérer le processus d’intervention tout en s’adaptant à chaque situation. Pendant que l’un des intervenants fait ses démarches, les autres en font de leur côté aussi et au bout du compte, tout finit par s’imbriquer. » 一 Mᵉ Hamelin Gagnon