Dernière étape du temps de vivre que l’avancée en âge. S’il est un terme péjoratif dans notre monde contemporain, c’est bien le mot vieillesse. Une cascade d’ennuis de santé, les pertes de toutes sortes, la discrimination, la solitude, voire l’isolement, la fin qui approche; de prime abord, le tableau n’est pas réjouissant. Par ailleurs, le gériatre Roy L. Walford souligne les mythes auxquels sont souvent soumis les aînés : « les vieillards sont improductifs, peu ou pas engagés, rigides, séniles, collés à l’écran de télévision dans leur mouroir, ou bien avachis sur un banc de parc, occupés à nourrir les pigeons et à regarder les gens passer; et malgré ça, elle se multiplie cette masse énorme des lents à crever et des morts-vivants, ridés et crachotants, engeance pitoyable à laquelle nul dans son bon sens ne souhaiterait appartenir. Toujours selon ces mêmes mythes, les vieux sont inutiles, inintéressants, et l’on peut sans inconvénient les ignorer et les exclure. » Un tableau à la fois sombre et cruelle marqué au coin de l’âgisme. Des mythes à déconstruire en une époque où la longévité permet de plus en plus de devenir nonagénaire!
Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportée sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour?
Alphonse de Lamartine
Même si la vieillesse est souvent décriée, il existe une réalité indiscutable : les gens âgés vieillissent de mieux en mieux, restent de plus en plus jeunes très longtemps. Ils cultivent l’autonomie et demeurent dans leur maison jusqu’à un âge avancé. Ces mêmes aînés rendent service aux membres de leur famille, font du bénévolat dans des organismes, des hôpitaux ou des écoles, sont membres de diverses associations, demeurent actifs dans le mouvement syndical, voyagent, séjournent à l’étranger, jouer au bridge et au scrabble, sont des adeptes du conditionnement physique, etc. Les personnes âgées d’aujourd’hui ne sont plus les aînés des années 70. Chose certaine, il est possible de vieillir avec joie, bonheur, plénitude et épanouissement personnel. L’attitude d’esprit à l’égard de son propre vieillissement constitue sans doute la pierre d’assise de cette réussite.
Un triste phénomène auquel j’assiste : des personnes littéralement fatiguées de vivre. Ayant généralement plus de 80 ans, elles ont l’impression d’être rendues au bout de leur vie. Une particularité : elles vivent seules. Bien sûr, l’ennui et le désoeuvrement semblent nourrir leur sentiment d’inutilité. Plus rien pour s’accrocher à l’existence. À quoi me servirait-il de vivre encore deux ou trois ans? de s’écrier l’une de ces personnes. La fatigue de vivre… Est-ce toujours justifié?
Ajoutons que la santé est primordiale pour bien vieillir, car rien ne peut la remplacer. Que pouvons-nous sans la santé? Il est entendu que bien des malaises ou des ennuis font leur apparition avec l’âge. Il faut s’en accommoder ou trouver les moyens de les atténuer. Là aussi, l’attitude d’esprit peut jouer un grand rôle. La perception qu’on a de son état de santé est plus primordiale que l’état de santé lui-même. Une attitude positive et le sens de l’acceptation atténuent les effets des maladies mineures et même majeures. À tous les âges, on peut encore mener une vie active et féconde. Guy Durand, bioéthicien, affirme : « Loin d’être l’antichambre de la mort, la vieillesse est un temps pour vivre : un temps pour penser, pour dialoguer, pour aimer, pour agir, etc. Un temps beau, sain, noble, comme la vie elle-même. » Excellente réflexion qui incite à un autre regard sur la vieillesse.
Extrait de l’ouvrage de l’auteur de cet article, Le temps… rien d’autre ! Sainte-Adèle, Éditions Textes et Contextes, 2020, p. 131.