Les activités intellectuelles à tout âge
Ce n’est parce que nous arrivons au grand âge qu’il faut délaisser toute activité intellectuelle. Bien au contraire, on doit entretenir ses facultés mentales. Le cerveau humain est d’une complexité étonnante; il est constitué de 1400 g de matière gélatineuse et de plus de 100 milliards de neurones, interreliés. La neurotransmission est un mécanisme qui permet aux informations de voyager dans notre cerveau; elles se déplacent à vive allure d’un neurone à un autre, grâce à des impulsions électriques et à des substances chimiques qui jouent un rôle semblable à celui du courant électrique. Les neurotransmetteurs sont au centre de la mécanique cérébrale.
Pour assurer notre mieux-être à un âge avancé, il faut donc se préoccuper de l’entretien de notre cerveau. Sa capacité de fonctionnement est intimement liée à nos habitudes de vie, surtout au grand âge. De nombreuses études démontrent les bienfaits de l’exercice physique, même minimal, sur les activités cérébrales. Pour le Dr Carl Cotman de l’université de Californie à Irvine, il ne fait pas de doute que les aînés qui s’adonnent à l’activité physique obtiennent un meilleur rendement aux tests cognitifs que les personnes sédentaires. Les propos du Dr Arthur Kramer de l’université d’Illinois vont dans le même sens : « Une étude américaine vient de montrer que trois heures d’activités aérobiques par semaine suffisent à renforcer vos capacités intellectuelles et de mémorisation.

Contrairement à la croyance populaire voulant que le meilleur moyen de conserver une intelligence vive soit de s’adonner à une gymnastique mentale, les exercices physiques seraient donc un remède nettement plus efficace11. » Dans le Bulletin du Centre McGill d’études sur le vieillissement, le Géronto-McGill, Hannah Hoag écrit : « Les femmes âgées qui marchent régulièrement peuvent réduire le risque de déclin cognitif. » Louis Bherer, Ph. D., neuropsychologue et chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM), ne manque pas de rappeler que le vieillissement cérébral serait surtout causé par une décroissance des connexions neuronales. Les hypothèses issues de ses recherches en laboratoire démontreraient que si la stimulation cognitive peut freiner le déclin mental, l’activité physique joue également un rôle primordial pour contrer le vieillissement cérébral. En effet, l’activité physique soutient l’intégrité cérébrovasculaire, favorise le transfert de l’oxygène par le biais des globules rouges et améliore le flux sanguin. Elle stimule la communication entre les cellules nerveuses et la création de nouvelles connexions entre les neurones et les nouveaux neurones.
Selon le Laboratoire d’étude de la santé cognitive des aînés (LESCA), le conditionnement cardiovasculaire serait la plus efficace activité physique pour lutter contre le déclin cognitif, parce que le cerveau exige un sang riche en oxygène. Par ailleurs, certaines recherches récentes indiquent que la musculation serait aussi bénéfique pour améliorer le rendement mental des personnes âgées. D’un autre côté, combien de fois n’entendons-nous pas dire que l’apprentissage est à peu près impossible quand on vieillit? C’est évidemment faux puisque nous pouvons apprendre à tout âge, même à 90 ans : plusieurs grands aînés ont appris à utiliser la tablette, l’ordinateur ou le téléphone intelligent dans les résidences privées. Pour notre part, nous avons débuté des cours de saxophone à 71 ans. Apprendre est vraiment à la portée des sujets âgés, autant pour une langue seconde et des notions de philosophie ou de psychologie, que pour les rudiments de la peinture ou de l’astronomie. Mais les préjugés sont nombreux et tenaces et le commun des mortels s’imagine que, passé 60 ou 65 ans, on ne peut plus étudier parce que la mémoire est moins bonne, que les autres facultés intellectuelles peuvent être défaillantes et que, surtout, les études ne comportent alors aucun avantage.
C’est tout ignorer de la neurogenèse, un processus permettant la production de nouvelles cellules nerveuses fonctionnelles dans le cerveau, qui fabriquent des connexions neuves pourvu qu’on facilite le développement des jeunes neurones par des activités intellectuelles diverses comme l’apprentissage. On est alors en présence de la plasticité cérébrale par laquelle notre cerveau trouve le moyen de s’adapter aux situations et aux événements tout au cours de notre vie.
La plasticité cérébrale opère à tous les âges de l’existence. Le concept se définit ainsi : « Capacité du cerveau de créer, de défaire ou de réorganiser des réseaux de neurones afin de compenser une blessure ou une maladie, ou de s’adapter à une situation. La plasticité neuronale est continuellement sollicitée par les mécanismes normaux d’apprentissage et d’adaptation12. » En d’autres termes, un aîné qui se met à l’apprentissage d’une tâche ou se consacre à des activités intellectuelles pourrait bénéficier d’une modification cérébrale grâce à laquelle de nouveaux tissus cérébraux apparaîtraient pour améliorer le traitement de l’information et la vivacité de son esprit. Il est primordial de varier les occasions et les stratégies de stimulation intellectuelle. N’est-ce pas extraordinaire? De plus, la plasticité cérébrale met indiscutablement en lumière le pouvoir de réparation du cerveau, suscitant ainsi des espoirs thérapeutiques notables.
Les activités intellectuelles quotidiennes sont à la portée de tous, particulièrement au grand âge : lire, écrire, dessiner, jouer d’un instrument de musique, entretenir des relations sociales, etc. Ce qui compte : faire fonctionner son esprit de diverses façons. Après tout, les tâches fondamentales du cerveau demeurent la réflexion, l’apprentissage et la solution des problèmes, facilités par le processus universel de l’analyse et de la synthèse.
À ce dynamisme de la vie intellectuelle qui contribue au mieux-être des grands aînés s’ajoute le concept de passion dans leurs activités : ce qu’ils font est-il fascinant? Les personnes aînés qui nourrissent des passions les vivent par le biais d’occupations ou de projets stimulants. « La passion se définit comme une forte inclinaison envers une activité que l’on aime, affirment certains chercheurs, que l’on trouve importante et dans laquelle on investit du temps et de l’énergie13. » Il n’y a pas d’âge pour se découvrir des passions. Bien acceptée et vécue dans l’harmonie, la passion est un gage de bonheur et d’épanouissement, a fortiori chez les grands aînés. Le scrabble, le bridge, le bingo, le jeu de palets, la pétanque, la danse, les débats sur l’actualité, les soupers animés (passions minimales, dirons-nous) : telles sont les activités captivantes auxquelles se livrent souvent les personnes vieillissantes. On y puise une force motivationnelle qui fait toute la différence dans la vie quotidienne