Les chutes, ce danger qui menace le mieux-être

L’OMS définit la chute « comme un événement à l’issue duquel une personne se retrouve, par inadvertance, sur le sol ou toute autre surface située à un niveau inférieur à celui où elle se trouvait précédemment20 ». La crainte de tomber est plutôt répandue chez les aînés, même chez ceux qui n’ont jamais chuté. Éviter les chutes est sans conteste une condition sine qua non pour assurer son mieux-être. Chaque année, dans les pays industrialisés, plus du tiers des aînés vivant à domicile font au moins une chute.

Pour les grands aînés, chuter par glissade ou trébuchement constitue un risque auquel on doit être bien sensibilisé. Les répercussions d’une chute sont souvent non négligeables, à cause d’une moindre force physique pour atténuer le choc. Bien que fréquentes et parfois graves, les chutes n’ont pas toujours retenu l’attention de la gérontologie et de la gériatrie, qui y voyaient des accidents occasionnels, sans plus. C’est pourtant un fait incontournable du vieillissement et bien peu d’aînés y échappent.

D’après le deuxième rapport de l’Agence de la santé publique du Canada, « les chutes continuent d’occuper le premier rang des causes d’hospitalisation pour une blessure chez les aînés du Canada. On estime que, chaque année, entre 20 et 30 % des personnes âgées sont victimes de chutes. Entre autres, selon les données tirées de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Vieillissement en santé, 20 % des personnes âgées vivant dans la collectivité ont déclaré avoir chuté au moins une fois; et cette proportion était plus élevée chez les personnes très âgées (c.-à-d. plus de 80 ans). Des recherches indiquent que les chutes sont directement responsables de 95 % de toutes les fractures de la hanche et que 20 % des aînés victimes d’une telle fracture décèdent l’année suivante21 ».

Selon l’INSPQ22, les chutes représentent un grave danger pour les aînés. Entre 2000 et 2016, 15 761 personnes sont décédées à la suite d’une chute, dont 90,9 % étaient des aînés, une moyenne de 927 décès par année. Près de 200 000 hospitalisations sont attribuables aux chutes et, encore là, les personnes âgées sont les plus touchées avec 69,1 % de toutes ces visites à l’hôpital. Sur un million d’aînés de 65 ans et plus vivant à domicile, le tiers sera victime d’une chute au cours de l’année. Les blessures graves les plus répandues sont les fractures de la hanche et les traumatismes crâniens; les chutes constituent un prédicteur de perte d’autonomie et d’hébergement en institution.

Un sentiment d’échec ou d’humiliation, d’impuissance s’empare souvent des victimes. S’ensuivent inévitablement la peur de retomber et une perte de confiance en soi. Il ne reste qu’un pas, souvent franchi, avant que les plus âgés limitent leurs déplacements et restreignent leurs activités. Lors des dernières années de sa vie (de 88 à 91 ans), Marlene Dietrich, l’actrice américaine d’origine allemande, gardait le lit par crainte des chutes!

Les facteurs de risque qui peuvent entraîner les chutes sont assez bien connus : maladies chroniques, déficiences locomotrices, carences visuelles et cognitives, hypotension orthostatique, incontinence urinaire et dépression. La consommation d’alcool et la prise de médicaments sont aussi souvent à l’origine d’une chute. Certains médicaments ont des effets indésirables qui engendrent vertige et perte d’équilibre; la polymédication augmente sensiblement le risque de traumatismes. Il va sans dire que la sédentarité peut nuire considérablement au maintien de la stabilité physique.

Pour contrer ces facteurs de risque, les solutions sont simples, mais souvent d’application difficile. Demeurent salutaires : la marche, les exercices de musculation et d’assouplissement, les activités pour maintenir l’équilibre. Toutes des activités à la portée des grands aînés, réalisables à domicile une fois les rudiments ou les façons de s’y adonner appris avec de l’aide. Certaines stratégies d’intervention sont plus élaborées. On parle alors de programmes multifactoriels qui répondent à des besoins spécifiques. Le Programme intégré d’équilibre dynamique (PIED) s’adresse précisément aux aînés de 65 ans et plus soucieux de leur équilibre. Un professionnel de la santé anime les ateliers. PIED a pour objectif d’augmenter l’autonomie personnelle et l’espérance de vie en bonne santé. Bien sûr, à domicile, des mesures de sécurité s’imposent. Les efforts doivent porter sur l’élimination de tout ce qui présente des risques : planchers glissants, éclairage déficient, cordons électriques qui traversent une pièce, tapis non fixés, seuils très en saillie et désordre. À l’extérieur, combien de gens tombent pour n’avoir pas vu les aspérités au sol, un pavé uni déformé ou un trou dans la chaussée!

Auteur : André Ledoux, Stratégies pour mieux avancer en âge et garder l’esprit alerte (2022)