Une question d’éthique

L’introduction de technologies d’assistance et d’aide à l’autonomie auprès des personnes âgées apporte des solutions en matière de sécurité, de suivi médical, de maintien à domicile et de lien social. Ces procédés innovants possèdent plusieurs vertus et, à première vue, ils permettent d’accompagner favorablement les aînés qui conviennent aisément de leur utilité.

Toutefois, nous nous trouvons confrontés à de nouvelles interrogations éthiques relatives à ces outils et à leur utilisation. Lionel Ben-Ahmed nous en fait part dans la revue Gérontologie et Société de février 2012. Il précise qu’améliorer la sécurité des personnes démentes par l’utilisation de la géolocalisation nous place en effet devant un dilemme de société : « Le suivi médical à distance que propose la télésanté permet un meilleur suivi des personnes, mais demande aussi à ce que les données transmises par internet soient sécurisées. Le maintien à domicile des personnes par l’automatisation de certaines tâches domestiques répond à un besoin, mais peut également isoler la personne. Le lien social renforcé par l’utilisation des services internet et téléphoniques interroge l’accessibilité de ces outils pour les plus âgés et les plus malades, ainsi que sur la nature et la réalité de ce lien27. »

Dès lors, le défi réside dans le fait de trouver un lien, un fil d’Ariane selon son expression, qui permette de naviguer entre ces solutions d’assistance et les questions éthiques inhérentes. Il pourrait effectivement y avoir un gouffre profond entre la reconnaissance systématique des technologies évolutives, d’une part, et le désaveu formel pour d’autres de ces mêmes outils, d’autre part.

La question est de taille. Avec les développements de la robotique, dont l’automatisation et l’informatisation de certaines tâches, il y a lieu de craindre en outre un effet néfaste direct sur l’emploi dans le monde des soins et de l’aide à la personne. Pour les personnes nécessitant ces services, il en résulterait une « déshumanisation » de la relation, plus dramatique lorsque les personnes sont seules ou isolées. Comment l’usage de ces outils peut-il alors avoir un impact positif sur l’ensemble de notre société? Il pourrait se développer une crainte de technicisation de l’accompagnement et la volonté de faire de l’outil une aide à intégrer à la démarche de soin des soignants sans jamais s’y substituer. Pensons seulement aux bracelets de géolocalisation.

De nombreuses questions surgissent. Comment respecter l’autonomie des personnes tout en respectant l’obligation de soins aux personnes en détresse? Comment alléger la charge des aidants sans pour autant « techniciser » le monde des personnes âgées? Comment simplifier le suivi médical sans évacuer le lien social? Enfin, à la lumière de ces réponses, comment favoriser tous ces contacts en ligne sans isoler les patients?

Les technologies qui s’implantent ne sont pas anodines, mais représentent à leur façon des choix politiques et sociaux, des visions du monde. Y a-t-il une mise en garde à faire contre l’idée même de vieillesse que vient maquiller la gérontechnogie. Sommes-nous en train de créer un « géronmonde » parallèle fait sur mesure? Il ne faut pas isoler par d’autres sentiments, expériences, émotions ou désirs les personnes âgées.

Auteur : André Ledoux, Apprivoiser le Grand âge (2021)